Passion Profession – Francoise Lambotte
Intro
Bonjour, Vous êtes sur Radio Judaica, il est 16h. C’est donc la 5ème emission de la saison. Après avoir recu Sarah Daume qui nous a raconté son extraordinaire histoire de couple et d’entreprise et Southa Kanyavong et son retour aux sources, Anthony Klein et son choix difficile entre rockeur et joailler, Yohann Rimokh et sa rencontre passionnante avec le droit, Adrian Politowski qui a transformé sa passion pour le cinema en entreprise qui cartonne. Je reçois aujourd’hui Francoise Lambotte qui risque de vous faire changer d’avis sur la qualité des services public. Comme d’habitude, ce qui va nous intéresser c’est de vous faire découvrir une belle histoire humaine et professionnelle d’une personne… en espèrant que cela puisse vous inspirer et vous aider dans votre propre vie ou dans les conseils que vous donnerez à vos enfants et vos amis. Au delà des apparences, on va essayer d’aller en profondeur pour comprendre de la manière la plus vraie possible le REEL parcours de notre invité.
Alors bonjour Francoise, je vous laisse le micro pour vous présenter
Présentation Françoise
Bonjour, je m’appelle Françoise Lambotte. J’ai 41 ans.
Je suis mariée et l’heureuse maman de deux petites filles.
Juriste de formation, je travaille depuis 7 ans chez Impulse en tant que directrice du département en charge de l’accompagnement des entrepreneurs bruxellois.
Etudiée à Decroly et Amed
Planter le décor
- Nous nous sommes rencontré lors d’une formation sur le Business Model Canvas donnée par Impulse à ses services ou je venais présenter mon outil AndVoil’App, pendant laquelle on a pu rentrer dans la définition de la “Value Proposition” de Impulse, pouvez vous nous en dire quelques mots?
Impulse est l’agence bruxelloise pour l’entreprise. Créée en 2003, cette asbl entièrement financée par la Région bruxelloise et l’Europe a reçu pour mission de faciliter la vie des entrepreneurs bruxellois en leur offrant un interlocuteur public de référence. Le but au final, c’est de créer un maximum de jobs pour des Bruxellois. Nos missions de base sont reprises dans notre contrat de gestion : il s’agit de sensibiliser, informer, guider, accompagner, regrouper et stimuler les entrepreneurs en général et les entreprises innovantes en particulier. Quelle que soit la question posée par un porteur de projet économique à Bruxelles, “Never stop asking”, telle est notre devise. Si la réponse ne se trouve pas chez nous, nous vous aidons à la trouver auprès d’un autre interlocuteur, qu’il soit public ou privé. Notre service 1819 en est l’illustration la mieux connue du grand public, je pense. Quelle que soit votre question, vous pouvez appeler nos experts à ce numéro, pour le prix d’une communication téléphonique normale, et ceux-ci s’engagent à vous répondre immédiatement si possible, dans les 48 heures au pire. Ils vous guident par ailleurs vers l’ensemble des services susceptibles de compléter leur réponse.
- Quel est votre rôle au sein d’Impulse?
Je dirige l’un des 3 départements en lien direct avec les entreprises : le département Expertises & Coordination. Celui-ci regroupe les experts “spécialistes” d’impulse. Leurs matières de prédilection sont l’urbanisme et l’environnement, le droit des affaires au sens large (droits fiscal, des sociétés, social,…), les plans d’affaires, les plans financiers et la recherche de financement. Le principal métier de mon département consiste à accompagner les entreprises confrontées à un problème aigü dans l’une de ces problématiques. Ce problème peut se présenter au démarrage, lors d’un développement ou d’un déménagement, ou à la fin de leurs activités. Nos experts peuvent intervenir à l’occasion de chaque évènement vital pour un projet d’entreprise.
Le droit pour vos parents
- Lors de la préparation de cette émission, vous m’avez expliqué que les germes de ce que vous faites aujourd’hui… remontent, comme souvent, à votre enfance et notamment à vos parents.
En effet. Mes parents étaient tous les deux entrepreneurs. Toute ma vie, je les ai vus se battre avec les diffilcutés administratives et financières. Je sais dans ma chair ce que signifie une faillite, le déménagement d’une entreprise, la négociation d’un nouveau bail commercial, la rédaction d’une convention de reprise, le montage d’un stand dans une foire commerciale, la technicité d’une demande de permis d’environnement, la douleur de licencier un collaborateur, la difficulté d’obtenir un crédit bancaire,… Toute petite déjà, je désirais plus que tout les aider dans ces difficultés.
- Au final vous choisissez de faire des études de droit?
Le droit, oui, pour faire plaisir à mon père, qui me rêvait juge ou avocate, l’un des métiers qu’il aurait adoré faire s’il avait pu étudier. J’aurais pu m’orienter très différemment. Tout m’intéressait à l’époque : la biologie, le dessin, la politique, le commerce,… Mais j’étais surtout littéraire et puis, c’est bien connu : “le droit mène à tout”. J’ai donc opté pour le droit, sans vraiment savoir à quoi m’attendre en réalité. Je me doutais que ce serait difficile et cette seule perspective me motivait déjà. Ce fut en réalité difficile, oui, mais aussi le complément idéal pour mon tempérament impulsif et créatif. Le droit m’a donné un cadre et m’a appris le plaisir des choses intellectuelles. J’ajouterais que le droit m’a aussi donné l’amour de ma vie, à savoir… mon mari. C’est à l’ULB que nous nous sommes rencontrés et nous ne nous sommes plus quittés depuis.
- Vous commencez votre carrière en tant qu’avocate…
En tant qu’avocate, c’est ça… alors que j’avais toujours déclaré à mes parents : “le droit, oui, mais avocate ? Non, jamais !”. Cela peut paraître étrange mais je savais d’instinct que ce métier ne me conviendrait pas. A l’époque plus qu’aujourd’hui où la médiation est à la mode, c’était une profession fort conflictuelle. Il s’agit d’avoir le “dernier mot”, de trouver des parades pour contrer les coups d’un “adversaire”, de remporter des victoires avec des vaincus. Il s’agit aussi d’avoir l’air sûr de soi… Or, et je sais que beaucoup ont du mal à s’en rendre compte mais croyez-moi, je suis timide de nature et avoir raison à tous prix ne m’intéresse pas. Je ne regrette pourtant pas mes 4 années passées au barreau, dans le cabinet de Me Jean Bourtembourg. Ce fut une école de l’excellence et de la rigueur. Je me suis littéralement dépassée à l’époque. Cela m’a renforcée à jamais.
- Vous vouliez au moins terminer votre stage d’avocate
Oui, pas question de ne pas terminer ce que j’avais commencé. Le stage au barreau dure 3 ans… Et je voulais être certaine de ne rien regretter. On n’abandonne pas facilement, dans ma famille..
Décide de vivre sa vie
- Alors Françoise, on est au moment de votre vie où vous avez décidé de vivre VOTRE vie…
On peut le voir comme cela : prendre la décision de quitter le barreau, ce fut comme quitter le rêve de mes parents pour commencer à vivre pleinement le mien.
- Une première opportunité se présente
A l’AVCB, l’association de la Ville et des communes de la Région de Bruxelles-Capitale. En tant que conseillère des agents communaux dans les matières du logement, de l’environnement et de l’urbanisme. J’y suis restée 5 ans.
- Qu’est-ce qui vous animait dans cette mission…
J’ai adoré travailler à l’AVCB. L’équipe y était formidable. Beaucoup de mes ex-collègues sont restés mes amis. Le métier était lui-même fort diversifié : je représentais les communes au Conseil consultatif du logement, je coordonnais leurs efforts pour simplifier les réglements communaux et organiser les abattoirs temporaires lors de la fête de l’Aïd, j’aidais les fonctionnaires communaux à motiver formellement les permis d’urbanisme et d’environnement, j’écrivais des articles de vulgarisation, je rendais des avis sur de nouveaux textes réglementaires… Bref, j’apportais mon aide AVANT que le conflit ne se déclenche, avant que l’erreur ne soit commise et ne puisse plus qu’être rectifiée sur recours, je contribuais à l’édiction d’actes administratifs et réglementaires plus respectueux des normes tout en apportant mon soutien à des fonctionnaires et des édiles communaux soucieux de bien faire
- … Et qu’est-ce qui vous manquait
Un nouveau challenge. Après 5 ans, j’avais fait le tour de ma fonction et je rêvais d’exploiter d’autres aspects de ma personnalité. L’idée de devenir manager ou de créer ma propre entreprise avait commencé à germer…
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L’arrivée chez Impulse
- … Et c’est à ce moment que l’opportunité chez Impulse se présente…
Une magnifique opportunité, oui, c’est vrai. Philippe Antoine, mon prédécesseur à l’agence bruxelloise pour l’entreprise, m’avait rencontrée à l’occasion d’un séminaire. Lorsqu’il a décidé de partir à la SDRB, qu’on appelle citydev aujourd’hui, il m’a vivement encouragée à postuler auprès de Bruno Wattenbergh, le charismatique directeur opérationnel d’impulse. Nous ne nous connaissions pas à l’époque. Notre rencontre, lors de mon premier entretien d’embauche qui a duré… 4 heures, a été une véritable révélation : je voulais absolument travailler pour un patron tel que celui-là !
- Vous avez trouvé tout ce qui vous manquait: aider les entrepreneurs et le management
J’ai trouvé plus que cela encore : une seconde famille, qui m’a adoptée telle que je suis, avec mes défauts et mes qualités, et qui m’a laissé explorer toute ma créativité pour développer “ma” dream-team. Une institution hors du commun, vraiment, faite d’experts de tous horizons. Je ne connais personne chez impulse qui ne soit pas totalement impliqué dans son travail.
- Quel service délivrez vous ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, mon département se charge d’accompagner les entrepreneurs à des moments cruciaux de leur projet, afin de leur faire gagner du temps souvent, de l’énergie certainement. Je vais prendre un exemple concret : un garagiste occupe 15 ouvriers ; il doit bientôt renouveler son permis d’environnement. Il n’ose pas le faire car il craint d’avoir pollué le sol. Un de ses amis carrossier lui a recommandé nos services. L’une de nos expertes en environnement va le recevoir en entretien confidentiel afin de déterminer avec lui la meilleure façon de faire pour régulariser sa situation. Elle l’aidera à remplir les formulaires ad hoc et prendra contact avec les autorités compétentes (la commne, l’IBGE,…) si nécessaire. 6 de mes experts accompagnent ainsi chaque année près de 600 demandes de permis d’urbanisme ou d’environnement. Il s’agit d’un domaine dans lequel aucune courbe d’apprentissage n’existe pour les entrepreneurs. Un permis d’environnement se renouvelle normalement tous les 15 ans et un permis d’urbanisme ne se demande pas souvent. Il s’agit par ailleurs d’appliquer des législations fort techniques et changeantes. Nous aidons les entreprises à mieux comprendre leurs obligations et remplir les formulaires ad hoc. Nous leur servons d’intermédiaire en cas de conflit avec les autorités compétentes. Parfois, nous organisons même des réunions de médiation ou de concertation préalables avec les services régionaux et communaux concernés.
- Vos experts peuvent également aider les entreprises à trouver du financement ?
Oui, c’est un autre de nos services phares. Lorsqu’une entreprise présente un intérêt socio-économique particulier pour notre région (parce qu’elle est innovante ou occupe beaucoup de travailleurs bruxellois), nos experts peuvent coacher les porteurs du projet pour améliorer leur plan d’affaires ou leur plan financier, et rechercher avec lui les meilleures solutions au niveau juridique et les meilleures sources de financement. Nous balayons systématiquement toutes les pistes possibles, de la banque au Fonds bruxellois de garantie en passant par le Fonds St’art, Finance.brussels, mais aussi, quand c’est possible, les business angels et le crowdfunding. Rien qu’en 2014, mes deux experts dans ce domaine ont ainsi directement aidé à lever près de 10 millions répartis sur 27 dossiers. Notre spécialiste en droit des affaires a quant à lui délivré près de 250 accompagnements.
L’environnement public
- Sur le papier, tous les éléments sont réunis pour que vous vous épanouissiez, mais vous évoluez dans un environnement politique qui peut décourager les plus braves à prendre des initiatives. Comment vous appréhendez cette dimension?
Je travaille pour un service public. Il va donc de soi que tout ce que nous faisons est politique. Mais puisque j’ai la chance de vivre dans une démocratie, dans un pays où la plupart de nos élus ont un grand sens des responsabilités, je vis cet environnement sans aucune difficulté majeure. Je respecte les décisions prises par notre parlement comme par notre exécutif. Je fais de mon mieux pour appliquer et faire respecter les règles qu’ils édictent. Je suis légaliste. Et lorsqu’une règle me semble injuste ou mal écrite, j’ai la chance d’être en position d’en avertir ceux qui ont le pouvoir de la modifier. Mon équipe en particulier a pour mission de relever, chaque année, les “points névralgiques” qui font souffrir les entrepreneurs bruxellois. Ces “pijnpunten” sont le résultat d’articles de loi, de règlement ou de pratiques administratives. Lorsque nous constatons, au travers de nos accompagnements, qu’une règle ou une pratique freine systématiquement la dynamique économique, nous en informons le Ministre de l’Economie et de l’Emploi, ainsi que chacun des leaders de nos institutions régionales en lien avec l’économie. Lorsque c’est possible, nous proposons des corrections. Et nous faisons le bilan de ce qui a évolué chaque fin d’année. Bref, j’ai le sentiment de pouvoir agir sur mon environnement, et que cet environnemnt est en mesure de faire bouger les choses. Loin de me décourager, cela me motive au contraire.
Votre passion
- Au final est-ce que l’environnement est votre passion?
Je dirais que l’environnement est l’UNE de mes passions. J’en ai beaucoup, en vérité ! Si tu m’avais connue petite, tu m’aurais certainement cherchée quelque part dans la forêt ou au bord d’un étang. J’ai passé des heures à contempler les têtards et les libellules. Aujourd’hui encore, le spectacle de la nature est celui qui me ressource le plus. Je ne connais rien de plus vivifiant que de se coucher dans l’herbe et de regarder défiler les nuages.
- Au final quelle est votre plus grande passion ?
Les gens… Cela peut paraître bâteau mais c’est la seule vraie réponse à cette question ! J’aime infiniment mon prochain. J’aurais fait un mauvais juge : pour moi, tout le monde a droit aux “circonstances atténuantes” et à la plus grande indulgence. Etre humain me semble si difficile que je m’émerveille de notre capacité à trouver notre chemin et du sens à nos vies. Je suis persuadée que nous faisons tous de notre mieux.
Philosophie au travail
- Avec quel esprit délivrez vous vos services?
Celui du partage. Chaque collaborateur d’impulse est une porte d’entrée vers d’autres entreprises, d’autres solutions, d’autres services. Ce qui nous importe, c’est de trouver la meilleure solution, le meilleur soutien aux projets que nous défendons. Nous agissons donc rarement seuls. Pour trouver une nouvelle localisation à une entreprise innovante en croissance, nous faisons par exemple appel à nos collègues d’ATRIUM, de citydev ou du Port de Bruxelles. Pour faire engager un maximum de Bruxellois, nous travaillons main dans la main avec ACTIRIS et Bruxelles-Formation. Quant à mon approche personnelle, elle est, vous vous en doutez, tout sauf conflictuelle… Je recherche le consensus à tout prix. Ce qui m’importe, c’est un résultat durable, qui soit donc accepté par toutes les parties. Cela requiert du temps (ce qui met mon impatiene légendaire à rude épreuve, parfois !), de travailler dans l’ombre et en petits comités, la plupart du temps. Ce qui me convient parfaitement. Je déteste les projecteurs.
- Et en tant que manager, quelle est votre philosophie au travail ?
Je crois en l’efficacité d’un groupe soudé, qu’un plus un, cela fait trois lorsque les gens parviennent à combiner leurs différences et leurs forces. Je ne me passe jamais de l’avis des membres de mon équipe, lorsqu’il me faut prendre une décision qui engage notre département ou impulse. Chacun répond à mes questions suivant ses affinités et sa disponibilité. Leur opposition ou leurs idées nouvelles me donnent l’opportunité de renforcer mes prises de position. Mon équipe est aujourd’hui constituée d’experts aux savoirs et personnalités très variés. On pourrait croire que leurs différences les divisent. C’est tout le contraire. Un cercle vertueux s’est peu à peu construit, qui leur permet de compter les uns sur les autres pour délivrer un travail de meilleure qualité. On me demande parfois comment c’est possible. Je pense qu’il y a un fil rouge qui unit toutes ces personnes : elles ont toutes l’amour du travail bien fait et du service public ; elles aiment partager : elles sont curieuses et respectueuses d’autrui. Avec le temps, je me suis rendue compte que ce sont ces qualités là que je devais rechercher lors de mes engagements.
- Quels sont vos rêves ?
Je ne suis pas une rêveuse. J’évite de me projeter car les surprises de la vie m’ont appris qu’on ne sait jamais de quoi l’avenir sera fait. Je tente donc de vivre le moment présent avec intensité et de me réjouir de chaque nouveau jour.
Conclusion
- Quel conseil donneriez vous à nos auditeurs?
Qui suis-je pour donner un conseil ? Je peux juste partager ma recette du bonheur : se réjouir de tout, partout et avec tout. Quels que soient votre parcours, vos études, votre profession, l’environnement, les surprises de la vie… il y a du positif en toute chose. Y croire, c’est s’en apercevoir.